par Jean-Noël LATROYES

Tous les ans, à l’approche de la mauvaise saison, on peut offrir une aide alimentaire aux oiseaux sauvages confrontés à la raréfaction de leurs ressources. Tandis que les espèces migratrices en quête de nourriture, ont déserté notre région pour des cieux plus cléments, les oiseaux sédentaires (qui passent l’hiver parmi nous) doivent affronter les rigueurs de la saison. Une aide est alors bienvenue pour permettre à nos amis ailés de rester en bonne condition jusqu’au printemps. Bien-sûr, toute intervention dans le monde sauvage doit être mesurée et prodiguée à bon escient pour ne pas perturber le grand équilibre de la Nature …
Quand commencer l’aide ?
« On peut commencer à aider les oiseaux quand ils ne trouvent plus suffisamment de nourriture dans la nature (baies, fruits, graines ou insectes). Quand les premiers grands froids arrivent, les oiseaux ont besoin de plus de calories pour résister aux basses températures. On peut alors mettre en place une distribution de nourriture pour la période hivernale uniquement. En Haute-Saône (zone de plaine, comme à Filain, Haute-Saône), on attend les premières gelées (mi-novembre, voire début décembre pour certaines années clémentes) et on continue l’aide jusqu’en début mars, dès les premiers bourgeons. Il ne faut surtout pas prolonger le nourrissage par égoïsme pour admirer un peu plus longtemps les oiseaux depuis ses fenêtres.

Quatre espèces voisinent ici, attirées par le tournesol (verdier d’Europe, moineaux domestique, pinson du nord et mésange charbonnière)
Quelle aide et pour qui ?
Chaque espèce à des besoins spécifiques. La plupart des oiseaux des jardins sont généralistes et ont un régime alimentaire varié qui change en fonction de la saison, du lieu géographique et de l’habitat dans lequel ils se trouvent.
Les mésanges, par exemple, sont granivores l’hiver et insectivores au printemps et en été. Leur métabolisme s’adapte selon la saison. Si les mésanges apprécient l’aide sous forme de graines en hiver, elles ont par contre absolument besoin de consommer les protéines animales nécessaires pour les couvées et l’élevage des jeunes au printemps. Elles vont trouver ces protéines par elles-mêmes chez les insectes, par exemple. Mais si nous continuons à les nourrir trop longtemps avec des graines, elles risquent de se détourner par facilité de l’alimentation qui leur convient et nous risquerions donc de perturber leur équilibre.

Les fringilles (comme les verdiers d’Europe, les chardonnerets élégants, les pinsons des arbres et les pinsons du nord, les tarins des aulnes, les bouvreuils pivoine) sont granivores, mais au printemps, ces oiseaux consomment aussi des insectes et nourrissent les jeunes au nid de larves d’insectes ou d’araignées. Ils apprécient également les bourgeons ou les fleurs épanouies.


Le gros-bec casse noyaux se nourrit de graines à enveloppe « dure » car son bec est épais et particulièrement puissant et peut exercer une pression de 10 kg/cm2 lui permettant de briser les faines ou pour ouvrir un noyau de cerise ou de prunelle. Il trouve ces noyaux sous les arbres fruitiers en hiver. A la fin de l’hiver, il se nourrit de cynorrhodons et de bourgeons de chêne pour adopter un régime insectivore aux beaux jours. Le tournesol dans les mangeoires l’attire également.
Le rouge-gorge familier, l’accenteur mouchet et le troglodyte mignon se nourrissent de divers petits invertébrés prélevés au sol ou sur les tas de bois : arachnides, myriapodes, mais peuvent être attirés par les mangeoires l’hiver si ils y trouvent des toutes petites graines. Ils ne dédaignent pas les pains de graisse.

Gros-bec casse-noyaux, troglodyte mignon et rouge-gorge familier
Le merle noir se nourrit typiquement de vers de terre. Cependant, en hiver, il est attiré par les fruits et les baies (lierre, vigne vierge, buisson ardent …).

Merle noir
Les pics épeiche et mar, la sittelle torchepot et le grimpereau des jardins recherchent les larves d’insectes xylophages sur les troncs ou sous l’écorce des arbres, mais on peut cependant les observer dans les distributeurs de graines de tournesol en hiver.
L’essentiel de l’alimentation du pic vert est constitué de fourmis et de larves qu’il extirpe du sol avec sa longue langue collante et on ne le verra guère aux mangeoires.

pic vert, pic épeiche et sittelle torchepot
Le moineau domestique est omnivore et consomme aussi bien des graines, des fleurs en boutons ou les fleurs elle-mêmes, des restes de repas, ainsi que des insectes à la belle saison.

moineaux domestiques
En résumé, les mélanges de graines conviendront à beaucoup d’espèces, quelle que soit la taille de leur bec, mais en tête des préférences, les graines de tournesol connaissent certainement le plus grand succès … Choisissez plutôt des graines de tournesol bio 1, non grillées et non salées, plutôt que celles cultivées à l’aide de produits chimiques qui ont déjà empoisonné ailleurs d’autres oiseaux.
Si vous proposez de la graisse, par exemple sous forme de boules de graisse végétale achetées dans la grande distribution (mélangées éventuellement à des graines), il faut supprimer impérativement les filets prévus pour les suspendre, car ils peuvent devenir un piège mortel quand ils se retrouvent dans la nature (mettez plutôt les boules dans un distributeur). Écartez les boules dont l’origine de la matière grasse est douteuse ou celles fabriquées à partir d’huile de palme, pour ne pas encourager les pratiques de culture de ces palmiers à huile mettant à mal les écosystèmes (en Indonésie notamment 2).
Si vous avez un verger, des fruits un peu avancés (pommes, poires, …) feront le bonheur également des merles et des pies, par exemple ! Vous pouvez fabriquer facilement une planchette traversée de longs clous maintenant les fruits. Ce dispositif sera impérativement situé en hauteur, à l’abri des prédateurs.
Où placer les mangeoires et abreuvoirs ?
Idéalement,on privilégie un emplacement en hauteur et suffisamment éloigné des arbres ou arbustes, pour protéger les oiseaux des prédateurs et en particulier des chats. L’idéal est de pouvoir positionner les mangeoires dans un endroit dégagé, non situé dans l’axe d’une baie vitrée (à cause des risques de collisions). En hiver, il est également difficile pour les oiseaux de trouver à boire et de quoi prendre un bain. Vous pouvez ajouter auprès de votre mangeoire, un abreuvoir qui doit être peu profond et dont l’eau doit être fréquemment changée (quotidiennement si possible). Cela implique naturellement de devoir casser la glace pendant la période de gelée. Par commodité, j’utilise pour cela un jeu de plateaux en métal (recyclage de plateaux métalliques ayant servi dans une gazinière).
Prévention des maladies aviaires
Une hygiène parfaite des mangeoires est impérative pour minimiser le risque de transmission de maladie aviaire.
Surtout, ne disposez jamais les graines sur le sol qui peut être contaminé par les fientes et accessible aux chats.
Dispersez vos mangeoires et abreuvoirs si vous en avez plusieurs.
Nettoyez régulièrement les mangeoires et abreuvoirs avec une brosse, de l’eau et du savon de Marseille ou noir, puis désinfectez-les avec de l’eau de javel dissoute dans de l’eau froide.
Il est plus prudent de réaliser ce nettoyage à l’extérieur et de porter des gants et un masque lors de ces opérations. Bien se laver les mains après !
Pour le moment et en l’état actuel des connaissances, les oiseaux des jardins sont peu sensibles au virus. Aucun nouveau foyer d’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP) n’a été confirmé depuis le 11 juillet 2023. »3
Cependant, il sera nécessaire d’arrêter immédiatement le nourrissage d’aide hivernale en cas de mortalité constatée. Si un décès était constaté, ne touchez pas le cadavre sans protection. Si plus de 3 oiseaux morts sont trouvés au même moment et au même endroit : contactez un agent de l’Office Français de la Biodiversité (O.F.B.) de votre département, qui vous indiquera la marche à suivre.
En Haute-Saône : office français de la biodiversité (OFB) – Tel : 03.84.76.17.00
A titre indicatif, pendant la dernière saison d’aide au nourrissage 2022 – 2023 sur Filain, je n’ai eu à déplorer qu’un seul décès en janvier 2023 (un rouge-gorge) sur des centaines de passages quotidiens à mes mangeoires. Statistiquement insignifiant, ce décès n’a pas eu d’incidence sur la suite de l’aide au nourrissage jusqu’au 8 février 2023, date d’arrêt de l’aide, suite à la découverte d’un cas d’influenza aviaire (IAHP) vers le lac de Vaivre (Haute-Saône).
En résumé, 7 points à retenir :
- déposez la nourriture en hauteur, dans un endroit à l’abri des intempéries et hors de portée des prédateurs.
- choisissez une nourriture adaptée en privilégiant plutôt les mélanges de graines (tournesol, millet, maïs, avoine…).
- n’oubliez pas de proposer de l’eau (à renouveler tous les matins en cas de gel).
- évitez de mettre trop de nourriture en même temps et au même endroit, pour limiter les conflits entre espèces.
- nettoyez régulièrement vos mangeoires et abreuvoirs pour éviter l’apparition de maladies.
- ne donnez pas de restes de repas, souvent trop salés, trop sucrés ou trop cuits pour leur organisme.
- lorsque les beaux jours reviennent, commencez par diminuer les quantités avant de stopper le nourrissage. » d’après les conseils de nourrissage de la LPO
1 En Haute-Saône, vous pouvez trouver des graines de tournesol noires certifiées bio, conditionnées en sacs de 25 kg, au GAEC GOISET, à Dampvalley-lès-Colombe, pour 1€ le kilo tél : 06 85 57 95 82

2 A voir (ou revoir) à ce sujet la vidéo émouvante d’un orang-outan en Indonésie qui tente vainement de s’en prendre aux engins qui vont exterminer sa famille dans le cadre d’une déforestation intensive organisée au profit de la culture des palmiers à huile.

3 https://www.haute-saone.gouv.fr/Actualites/Espace-presse/Communiques-de-presse/1er-semestre-2023/Detection-d-un-cas-de-grippe-aviaire-en-Haute-Saone-mise-en-place-d-une-zone-de-controle-temporaire
