Cet article est consacré aux papillons de nuit (observations de l’année 2022 à Filain – Haute-Saône).

– Pleuroptya ruralis
Pour diverses raisons, les papillons nocturnes, représentant pourtant l’essentiel des espèces de papillons en France (environ 95 %), sont moins bien observés que leurs homologues diurnes (et également moins décrits). Leurs couleurs moins attirantes que celles des papillons de jour et la relative difficulté pour les observer la nuit, sont probablement à l’origine du désintérêt du « grand public » pour ces insectes. Les papillons nocturnes, très diversifiés, jouent pourtant un rôle considérable dans la pollinisation et seraient tout aussi utiles que les abeilles pour la biodiversité.
Observation des papillons de nuit :
Pour observer les papillons nocturnes, il vaut mieux attendre la nuit noire, mais on peut déjà regarder les espèces qui tournent autour des sources lumineuses actives dans son jardin (ou son balcon) et observer, depuis chez soi, la face ventrale des papillons qui se positionnent à l’extérieur des vitrages. Il est évident que l’on passe à côté de nombreuses espèces si l’on se contente de ce type d’observations.
1/ Méthode dite du drap
Une méthode efficace pour observer les papillons de nuit consiste à exploiter leur attirance pour la lumière ultraviolette. Placée dans un endroit riche en insectes, une lampe émettant de la lumière ultra-violette attirera les insectes (pas seulement des papillons). Placée sous un drap de couleur claire, ou à proximité d’une surface claire, cette source de lumière «noire» sera irrésistible pour les insectes volants qui s’y poseront alors. On peut utiliser d’autres supports qu’un drap, comme du tissage de fibre de verre prisé en décoration murale (destiné à être peint), présentant l’avantage d’être apprécié par les insectes qui s’y accrochent facilement. Mais d’autres sortes de supports pourront être mis à profit également (bois, brique, papier Canson coloré), afin de varier les fonds.


2/ La miellée
Cette méthode consiste à attirer les papillons de nuit avec une « miellée » qui peut prendre divers aspects selon les « recettes » et les ingrédients mis en œuvre. Le miel est irrésistible, mais c’est quand même dommage de gâcher une aussi bonne ressource, alors que des ersatzs (sirop de glucose, vieille confiture, sucre bon marché, fruits trop mûrs …) conviennent très bien pour cet usage. Quelquefois, il suffit même simplement de visiter le compost au fond du jardin pour y découvrir nuitamment quelques espèces qui trouvent leur compte sur les épluchures de fruits et légumes ou autres rebuts.

Ces deux méthodes sont faciles à mettre en œuvre et sans danger pour les insectes, si on prend quelques précautions.
Éclairage U.V.
Les lampes UV (diffusant des rayons ultraviolets) sont vraiment performantes en terme d’attirance des insectes. Le modèle utilisé dépendra des conditions d’utilisations (présence d’une alimentation électrique ou non). Si on peut se raccorder au réseau électrique, il paraît judicieux d’utiliser une ampoule assez puissante (genre lampe à vapeur de mercure). Il en existe de différentes puissances de 80 w, 125 w, 160 w, 250 w et jusqu’à 400 w. Il faut quand même noter que les lampes à vapeur de mercure, désormais interdites de fabrication et d’importation dans l’Union Européenne depuis 2015, se trouvent encore dans quelques magasins qui en proposaient à la vente avant l’interdiction et qui ont néanmoins le droit de vendre le stock restant. Ce type de lampe n’a donc plus d’avenir, malgré son évidente efficacité dans ce domaine particulier. Dans la nature, loin de toute alimentation électrique, on pourra utiliser un petit groupe électrogène pour alimenter les lampes en 220 v ou une alimentation en 12 volts fournie par un convertisseur branché sur une (ou des) batteries dédiée(s).
Les Tubes fluorescents (actiniques et lumière noire)
Remplaçant les ampoules, ces tubes sont assez performants. Il en existe de multiples façons (depuis ceux utilisés dans les détecteurs à faux-billets, aux modèles piégeant les insectes, une fois débarrassés de la partie qui électrocute les moustiques, jusqu’aux tubes diffusant une lumière noire dans les boîtes de nuits).
Une fois allumés dans la nuit, ces tubes joueront leur rôle attractif.

Les leds dédiées
Très efficaces également, mais encore d’un coût élevé, les leds ont le gros avantage d’être très économes en énergie, facilitant ainsi leur emploi dans des zones éloignées de possibilités de branchement au réseau électrique. Je n’ai pas encore utilisé ces dispositifs qui ont certainement un grand avenir dans ce domaine particulier.
Autres insectes attirés par les U.V
Il est fréquent d’observer également d’autres insectes attirés par le tumulte lumineux provoqué par les lépidoptéristes nocturnes.
On trouvera sans doute des coléoptères principalement (hannetons, coccinelles, Harpalus rufipes, Nicrophorus vespillo), mais aussi des cicadelles, des éphémères et quelques hyménoptères (guêpes et frelons), des diptères (moustiques), quelques sauterelles …
Quelques exemples de notre entomo-faune nocturne :
Cette année 2022, j’ai dénombré un total d’environ 70 espèces de papillons de nuit à Filain même (tous hétérocères confondus), sur 861 espèces nocturnes potentiellement présentes dans le département de la Haute-Saône (env. 8 %) *
notamment :
10 espèces de géomètres observées sur 290 espèces de géomètres recensées dans le département de la Haute-Saône *
15 espèces de noctuelles observées sur 345 espèces recensées
5 espèces de bombycoïdes observées sur 93 espèces recensées

11 espèces de pyrales observées sur 98 espèces recensées
1 espèce de Sésie observée sur 17 espèces recensées

5 espèces de zygènes observées sur 18 espèces recensées
ainsi que 7 espèces de la famille des Arctiidae – Écailles
4 espèces de la famille des Tortricidae
2 espèces de la famille des Pterophoridae

A titre comparatif, pour les papillons de jour, j’ai observé, pour la même période 2022, une quarantaine d’espèces (environ 35 % des 117 espèces de rhopalocères diurnes potentiellement présentes dans le département de la Haute-Saône ) *
- source lepinet.fr
On le voit, il reste encore beaucoup à faire dans l’observation des papillons de nuit en Haute-Saône et ces études à réaliser sont très motivantes car elle peuvent conduire à des découvertes intéressantes …
Les prises de vues
J’ai opté depuis des années pour un objectif macro Canon 100 mm, couplé à un flash annulaire Canon macro-ring Lite ML-3. Une focale de 100 mm permet de rester à une distance suffisante pour ne pas effrayer les insectes et également de ne pas occulter la scène avec l’ombre du flash au moment de mettre au point. L’éclairage d’ambiance est assuré, soit par une lampe frontale, une petite lampe d’appoint, ou à l’aide de la lampe intégrée au flash. Le fait d’effectuer les prises de vue en ambiance U.V. (ou lumière violette) n’influe que très peu sur le résultat final. Il suffira de diminuer un peu la tonalité bleue au traitement si on trouve qu’elle est trop marquée, mais personnellement, je ne touche pas à cet équilibre chromatique, considérant qu’il fait partie de l’ambiance réelle des prises de vues.

Protection contre les U.V.
Dans le cas de l’observation des insectes à l’aide des U.V., il est impératif de se protéger au moins les yeux par le port de lunettes adaptées.
Rhopalocères et Hétérocères
Quelques précisions sur deux termes employés par les lépidoptéristes pour classer les papillons en deux grands groupes : les rhopalocères et les hétérocères.
Cette classification simple, en théorie bien pratique, regroupait dans la catégorie rhopalocères tous les papillons avec de vives couleurs, volant de jour, avec des antennes terminées en massue, des ailes antérieures et postérieures indépendantes en vol (non reliées par un frenunum, ou frein) et une posture présentant au repos des ailes dressées verticalement. On rangeait tous les autres papillons, présentant généralement des couleurs ternes, volant de nuit, avec des antennes effilées (sans massues), un appareil alaire (appelé frenulum ou frein) solidarisant les ailes postérieures aux antérieures et des ailes allongées horizontalement le long du corps au repos, dans la catégorie hétérocères.
Cette classification facile, est pourtant depuis quelques années remise en cause car on trouva tellement d’exceptions à ces règles simples que désormais, ces deux termes deviennent de plus en plus obsolètes.
Par exemple de nombreux hétérocères volent aussi bien de jour que de nuit (ou même exclusivement de jour !) et quelques familles d’hétérocères (Zygènes et Proscris) ont des antennes en massue, de vives couleurs et volent de jour.
Ces exceptions font un peu désordre dans un monde ou la rigueur est de mise. S’il est probable que le terme de rhopalocère soit conservé tel quel, celui d’hétérocère seul ne suffit plus et il faut lui adjoindre désormais au moins un qualificatif, tel que hétérocère diurne, hétérocère nocturne ou hétérocère diurne/nocturne. Par contre, je ne crois pas qu’il y ait de rhopalocères nocturnes.
En résumé, la forme des antennes paraît un critère de différenciation assez fiable puisqu’en Europe du moins, toutes les espèces présentant des antennes en massue sont des papillons de jour (rhopalocères), sauf les Zygènes et Proscris, alors que chez les hétérocères nocturnes (ou mixtes) les antennes sont le plus souvent filiformes ou plumeuses.
En cas de doute, un deuxième palier de différenciation fiable incluant la présence d’un frenulum ,ou frein, peut être utilisé.
Les couleurs peuvent donner une orientation, mais il y a trop d’exceptions pour en faire un élément de différenciation.
La position des ailes au repos constitue également une dernière indication, mais là encore, il faut se méfier des exceptions (Ennominae, chez les Géomètres, Point-de-Hongrie …)
Pour un peu plus tard …
Souhaitant que cette modeste publication suscite quelques vocations, il serait possible de mettre au point des observations régulières, en variant les points d’observation, les saisons et les heures …
Nous parviendrions ainsi à une meilleure connaissance de notre entomo- faune nocturne dans l’aire de recherche choisie.
Pendant l’été, de nouveaux lecteurs se sont manifestés et je les en remercie.
N’hésitez-pas à proposer votre participation.
A bientôt,
Jean-Noël Latroyes
Bonjour Jean-Noël, il y a quelques erreurs dans tes identifications. Oligia versicolor restera sp si pas de dissection. Eilema sp est un Wittia sororcula. Plutôt caniola pour Eilema complana. Ton Notocelia cynosbatella est un Plodia interpunctella. Je dois faire des vérifications pour 2 autres. Bien à toi !
Merci Thomas pour cette participation spontanée que j’apprécie énormément.
J’ai rectifié dans la partie consacrée aux papillons de nuit https://filain-nature.fr/2022/09/06/les-papillons-de-nuit/
Je vais rectifier dans l’article ponctuel https://filain-nature.fr/papillons-de-nuits-heteroceres/, mais je dois refaire les copies d’écran …
Si tu es dans la région un de ces jour, je vais organiser des soirées papillons dans mon village, à Filain, à partir de juin 2023. Tu es le bienvenu naturellement.
Jean-Noël