Jacques et les abeilles …
Filain, 28 avril 2022
Nous sommes fin avril, en début d’après-midi, par une douce journée de printemps.
Un bourdonnement inhabituel attire mon attention dans mon verger. Il s’agit en fait d’un épais nuage d’insectes volants qui ondule à quelques mètres au-dessus du sol, en semblant converger vers un endroit précis de la vigne vierge marquant la limite de propriété avec mes voisins.
Je ne suis pas trop surpris car c’est la deuxième fois que se produit un tel phénomène, à peu près à la même époque. Il s’agit évidemment d’abeilles qui constituent leur essaim. Pourquoi ont-elles jeté leur dévolu sur cet endroit précis, nul ne le sait, mais si on prend en compte que Jacques, mon voisin, est l’apiculteur du village, cela commence à prendre du sens …

J’observe les abeilles qui s’empilent par couches successives. En quelques minutes, on ne voit déjà plus le tronc de la vigne vierge et une masse grouillante d’insectes prend forme. En une dizaine de minutes seulement, les bourdonnements et les allées et venues des hyménoptères diminuent, alors que l’essaim se gonfle et acquière sa forme d’équilibre sans doute. Je ne le sais pas encore, mais environ 15000 abeilles viennent de terminer devant moi un exercice incroyable, en se positionnant de façon à tenir ensemble sans que tout tombe. L’ensemble mesure une quarantaine de centimètres de hauteur pour un diamètre moyen d’environ vingt centimètres.

Le clou du spectacle passé, il est temps maintenant d’appeler le spécialiste des abeilles. Jacques ne se fait pas prier. Assisté de son petit fils équipé d’une belle tenue immaculée d’apiculteur, il prend en charge l’opération de récupération des abeilles. En fait, il m’explique qu’il s’agit de ses abeilles qui ont entamé une dissidence au sein de leur ruche pour cause de surpopulation et du besoin de former une nouvelle colonie. Elles ne sont donc pas allées trop loin et c’est d’autant plus facile pour les récupérer.

D’un geste sûr et mesuré, Jacques place une ruche vide, dépourvue de couvercle, en dessous de l’essaim. Il n’est même pas protégé et avec les mains nues, il commence à secouer l’amas d’abeilles qui émet un bourdonnement croissant. Les abeilles sont partout sur ses mains et sa tête également. C’est un peu la panique dans l’essaim. Alors qu’elles venaient à peine d’arriver, il faut déjà décamper ! Lentement, les abeilles tombent dans la ruche et le bourdonnement impressionnant décroît fortement.

Photographie Jean-Noël Latroyes
Jacques nous explique alors qu’un tel essaim, qu’il estime à 1,5 kg, peut comporter jusqu’à 15000 abeilles. Pour lui, c’est un bel essaim, mais il en a déjà rencontré de bien plus conséquents. Il nous montre encore une abeille qui a enfoui la tête dans un interstice de la ruche et qui exécute une bien curieuse danse. Elle bat très rapidement des ailes sans bouger son abdomen. Cette façon de brasser de l’air disperse efficacement les phéromones qu’elle diffuse auprès de ses collègues qui n’auraient pas encore rejoint le groupe. La signification est assez claire : il faut rentrer maintenant et vite !

Photographie Jean-Noël Latroyes
En une quinzaine de minutes, les dernières récalcitrantes gagnent à leur tour la ruche. Quand on est une abeille, on ne badine pas avec la discipline et Jacques explique que chez ces insectes tout est parfaitement organisé. C’est de cette façon notamment qu’une communauté d’abeilles parvient à passer l’hiver et ses grands froids sans mourir (la température peut atteindre 30° dans la ruche), alors que d’autres hyménoptères comme les guêpes et les frelons meurent, faute de s’être tenu au chaud collectivement Chez ces derniers, seule leur reine subsiste, protégée sous une écorce, par exemple, mais les ouvrières meurent. La reine guêpe (ou frelon) pond à la sortie de l’hiver pour reconstituer une colonie, alors que les abeilles n’ont plus qu’à sortir de leur hivernage et poursuivre un nouveau cycle de la vie.

Photographie Jean-Noël Latroyes
Jacques, intarissable, nous entretient également des dangers que font courir les frelons asiatiques qui déciment les ruches et se développent maintenant dans notre région également. A peine plus petit que notre frelon d’Europe, ce nouveau frelon inquiète car il a une tendance à l’adaptation un peu trop marquée.
Pendant ces explications, les dernières abeilles sont quasiment toutes entrées dans la ruche. Jacques viendra finalement récupérer la ruche en début de nuit quand elles sont assoupies, pour installer cette nouvelle ruche pleine d’abeilles dans l’environnement fleuri qu’il leur aura choisi, à proximité du village.

Photographie Jean-Noël Latroyes
Le lendemain, quand je retourne au verger, plus une abeille n’y subsiste. Je m’étais presque déjà habitué à leur présence et il se dégageait de cette ruche une quiétude rassurante, quand je suis allé la regarder à la tombée de la nuit. Pour elles, une nouvelle étape de leur vie commence …
Merci à Jacques et à son petit fils.
Jean-Noël Latroyes
Je découvre ce site magnifique. Merci de nous emmener en balades avec vous…
Merci pour vos encouragements,
Je vais essayer en tout cas de vous faire découvrir la jolie Nature de notre région. Il y a tant a dire …
A bientôt,
Jean-Noël